POLLUTION URBAINE

POLLUTION URBAINE
POLLUTION URBAINE

Pollution urbaine

Dans le monde entier, les zones rurales se dépeuplent au profit des villes. Dans les pays industrialisés, la déprise agricole et la montée des activités de service (commerces et bureaux) provoquent une urbanisation accélérée: aujourd’hui, 80 p. 100 de la population mondiale habitent en zone urbaine ou périurbaine. Dans les pays en développement, l’exode rural, massif, entraîne une explosion des grandes métropoles, avec une prolifération de bidonvilles et de quartiers insalubres. Des villes comme Le Caire, Lagos, Caracas ou Lima sont ainsi devenues d’immenses mégalopoles difficiles à contrôler.

Cette concentration dans les agglomérations urbaines provoque une abondance de pollutions et de nuisances. Mais l’effet en est différent selon les situations géographiques et le niveau de vie atteint dans chaque pays. Aussi faut-il distinguer trois types de cas: les métropoles des pays industrialisés, les villes de l’ex-bloc soviétique et les grandes agglomérations du Tiers Monde.

La pollution dans les pays industrialisés

Dans les villes des pays industrialisés de type occidental, on ne connaît plus la pollution de l’air par la combustion du charbon, qui dégage dans l’atmosphère le fameux dioxyde de soufre (SO2). Ou bien ce combustible a été remplacé, pour le chauffage domestique, par des sources d’énergie dites “propres”, comme le gaz naturel ou l’électricité, ou bien, comme en Allemagne, les installations thermiques au charbon ont été dotées d’équipements qui filtrent les fumées et lavent les gaz. C’est ainsi que dans tous les pays industrialisés, depuis la fin des années 1970, les émissions d’oxyde de soufre sont en net recul. Une ville comme Londres ne devrait plus jamais connaître d’épisodes tragiques de smog (brouillard et fumée) comme celui de décembre 1952 qui avait tué 1 500 personnes.

En France, la part du chauffage d’origine électrique a dépassé les 50 p. 100 en 1993, reléguant le fioul à environ 20 p. 100, à égalité avec le gaz naturel. Hormis quelques cas où il se produit un phénomène hivernal d’inversion thermique – une masse d’air chaud en altitude qui bloque l’air froid au sol en l’absence de vent –, il est rare que le smog s’abatte sur les villes de France. Lorsque cela arrive, surtout dans les villes enclavées loin de l’influence océanique (Strasbourg, Lyon, Grenoble), il n’a pas les conséquences sanitaires dramatiques qu’il avait à une époque où les poêles à charbon se conjuguaient avec les usines à gaz et les centrales thermiques pour polluer l’atmosphère.

Mais, avec l’accroissement de la circulation automobile, une nouvelle pollution est apparue: celle que provoque l’ozone troposphérique. Dans la stratosphère, la présence de ce gaz est nécessaire – c’est lui qui protège la planète Terre contre l’action directe des rayons ultraviolets du Soleil et des rayons cosmiques –, dans la basse atmosphère (troposphère), l’ozone est nocif. En effet, présent dans l’air que nous respirons, il attaque les poumons et les bronches. Dans la troposphère, l’ozone (O3) est produit par une réaction chimique entre les molécules d’oxygène (O2) et les gaz d’échappement (oxydes d’azote surtout) en condition de fort rayonnement solaire. C’est le phénomène de la photo-oxydation. Lorsque le taux d’ozone dépasse 180 microgrammes par mètre cube d’air, le citadin ressent des picotements dans les yeux, une irritation des bronches et se met à tousser. Pour les autorités, il est alors temps de mettre en garde les personnes vulnérables (asthmatiques, insuffisants respiratoires, personnes âgées et jeunes enfants) et, le cas échéant, de prendre des dispositions pour réduire la circulation automobile. Airparif, l’organisme chargé de mesurer la qualité de l’air en Île-de-France, a enregistré à plusieurs reprises en été des taux d’ozone supérieurs à 180 microgrammes par mètre cube d’air à Paris et dans la région parisienne.

Cette pollution frappe surtout les villes très exposées au soleil, comme Rome, Madrid, Athènes ou Los Angeles. C’est pourquoi des mesures draconiennes ont dû être introduites pour tâcher de réduire la pollution de l’air. En Californie, le phénomène de photo-oxydation est particulièrement important car, outre une circulation automobile très dense, la côte pacifique est très souvent baignée par une brume marine qui, en l’absence de vent, agit comme une loupe, renforçant l’action du soleil. C’est donc là que, pour la première fois, le pot d’échappement à filtre catalytique a été introduit; ce pot, grâce à un manchon de céramique perforé, retient et brûle les éléments les plus polluants de la combustion. Il a imposé l’usage d’essence sans plomb, car cet additif antidétonant est incompatible avec un bon fonctionnement du catalyseur. Tous les pays industrialisés ont depuis adopté le pot catalytique et l’essence sans plomb.

Cependant, le parc automobile ancien subsiste, et, pendant plusieurs années encore, l’air continuera d’être pollué. Il faut donc recourir à d’autres mesures. Aux États-Unis, il a été décidé d’encourager, et même d’imposer la construction de voitures “propres”. Lors d’une première phase, d’ici à 2002, 10 p. 100 du parc devra être doté de moteurs électriques ou à carburants non polluants (gaz naturel, éthanol, etc.). L’introduction de ces nouveaux véhicules dans les grandes villes américaines fera l’objet d’un suivi scientifique sur la qualité de l’air et la santé publique.

Ailleurs, on décourage l’usage de la voiture en ville, au moins partiellement. Dans les villes italiennes comme Florence, Bologne ou Lucques, l’accès au centre-ville est sévèrement réglementé, voire complètement interdit aux voitures particulières. À Athènes, où le “néphos” (nuage de pollution) est devenu un fléau quasi permanent, les autorités imposent de sévères restrictions à la circulation en interdisant l’accès au centre-ville et en imposant un usage alterné des véhicules selon que le dernier chiffre de leur plaque minéralogique est pair ou impair. De la sorte, la moitié du parc est, en principe, immobilisé les jours d’alerte.

À Mexico, le pire est atteint, d’autant que la situation géographique de la ville décuple les effets de la pollution. Comme elle est située à 2 250 mètres d’altitude, l’oxygène y est raréfié (23 p. 100 de moins qu’au niveau de la mer). En outre, l’agglomération (près de 20 millions d’habitants et 30 000 établissements industriels) est dans une cuvette entourée de montagnes qui ralentissent les échanges d’air. La pollution y stagne donc plus qu’ailleurs, sous un soleil subtropical qui accentue la production d’ozone.

Une autre pollution urbaine en plein accroissement est celle qui est due aux moteurs Diesel. En effet, dans le monde, le parc des véhicules fonctionnant au gazole augmente de manière vertigineuse, en même temps que décroît le trafic par voie ferrée. Poids lourds, camionnettes de livraison, taxis et aussi voitures particulières (45 p. 100 en France) sont de plus en plus équipés de moteurs Diesel dont l’inconvénient – outre le bruit – est de rejeter dans l’atmosphère des particules fines qu’on ne sait pas encore filtrer. Le pot d’échappement catalytique, en effet, reste inopérant pour ce type de combustion. Outre leurs effets néfastes pour la santé – certains les estiment cancérigènes –, le gazole et le fioul de chauffage déposent sur les murs des villes une pellicule noire qui oblige à ravaler régulièrement les façades.

En matière d’assainissement, les grandes villes occidentales ont fait d’immenses progrès depuis vingt ans. Elles ne rejettent plus directement dans les fleuves – ou en mer – leurs eaux usées. Partout, ou presque, les eaux d’égout sont recueillies dans des stations d’épuration où elles subissent un triple traitement: physique, chimique et biologique. C’est pourquoi des fleuves comme la Tamise, le Rhin ou la Seine sont beaucoup moins pollués qu’au début des années 1970. Toutefois, l’augmentation des surfaces imperméabilisées en ville (hormis les espaces verts, tout a été goudronné ou bétonné, y compris les anciennes rues pavées) est responsable de la pollution par les eaux pluviales, surtout en cas d’orage. Car l’eau de ruissellement dévale à plus grande vitesse vers le fleuve, drainant et charriant toutes les pollutions de surface (traces d’hydrocarbures au sol, déchets de caniveau, dépôts de pollution sur les toits, etc.); en quelques minutes tous les polluants se retrouvent dans le fleuve et asphyxient les poissons: c’est ainsi qu’à la suite de certains gros orages d’été, à Paris, des tonnes de poissons morts flottent sur la Seine.

La pollution dans les villes d’Europe centrale et orientale

Dans les pays de l’Est européen et dans toute l’ex-Union soviétique, la pollution urbaine a pris un tour particulier, qui correspond à un retard de trente ou quarante ans sur l’Ouest. On y respire l’oxyde de soufre plus qu’ailleurs, qu’il provienne du charbon ou du fioul. En République tchèque, en Slovaquie, en Pologne et en Russie, on utilise encore pour se chauffer ou faire de l’électricité un charbon de qualité inférieure, le lignite, combustible terreux et soufré qui brûle en dégageant une épaisse fumée (on l’utilise aussi en Allemagne, mais là une technologie moderne le rend parfaitement propre).

L’activité des énormes combinats industriels construits à proximité des villes rend l’air qu’on y respire parfois à la limite du supportable, que ce soit en Bohême du Nord (République tchèque), en Silésie (Pologne), dans certaines villes industrielles roumaines ou dans de nombreuses villes russes. Faute d’argent pour entretenir ou investir dans du neuf, le parc industriel est resté dans un état de vétusté pitoyable. Aucun rejet n’est traité, et les fleuves se transforment en égouts. C’est ainsi que les habitants des villes situées sur l’Elbe ou la Vistule ne peuvent plus boire l’eau du robinet; à Dresde et à Leipzig (ex-R.D.A.), à Varsovie (Pologne), à Moscou (Russie), mais aussi à Kiev (Ukraine), Tbilissi (Géorgie) ou Tachkent (Ouzbékistan), il n’est pas question de boire l’eau de la ville sans la faire bouillir.

La circulation automobile commence aussi à polluer de façon importante, comme à l’Ouest. Pourtant, le parc de voitures particulières est beaucoup plus restreint et les transports publics “propres” (trolleybus et tramways) encore très développés. Mais les poids lourds consomment tellement d’essence au kilomètre et le parc automobile est si vétuste que les pots d’échappement “crachent” plus de poison que ceux de l’Ouest. L’idéologie productiviste, qui privilégie la quantité plutôt que la qualité, continue à sévir dans la plupart des pays anciennement socialistes. C’est pourquoi, dans les villes de l’Est, on se préoccupe peu de la qualité de l’air ou de l’eau. Même lorsqu’on s’en soucie, on n’a pas les capitaux nécessaires à l’investissement, et les choses restent en l’état, lorsqu’elles n’empirent pas.

Pollution des mégapoles du Tiers Monde

C’est incontestablement dans les villes du Tiers Monde que les pollutions et les nuisances atteignent des niveaux record. En Chine, l’omniprésence du charbon transforme parfois l’air des villes en chape de gaz délétères. Pourtant, la circulation automobile y est encore très modeste, les cycles constituant la majorité écrasante des véhicules. Mais, lorsque toutes les cheminées industrielles fonctionnent et que tous les poêles domestiques et toutes les cuisines s’allument en même temps, il n’est pas besoin du trafic automobile pour saturer l’atmosphère de soufre et d’oxyde de carbone.

Au Caire, à Lagos ou à Manille, il suffit d’un coup de chaleur et de la circulation automobile d’un jour ordinaire pour que l’air devienne irrespirable. À cela il faut ajouter les miasmes des caniveaux, égouts à ciel ouvert et autres canaux qui recueillent les eaux usées de nombreux quartiers. Car, dans presque toutes les villes du Tiers Monde, l’assainissement est défaillant. Le système d’égouts, lorsqu’il existe, est presque toujours saturé, obturé ou plein de fuites. En effet, dans les quartiers à urbanisation galopante, le nombre d’usagers dépasse les capacités d’absorption du réseau. En outre, en l’absence de robinets dans les maisons, beaucoup de quartiers s’approvisionnent à des points d’eau extérieurs, qui, la plupart du temps, se transforment vite en cloaques. Ces eaux stagnantes, ajoutées aux relents putrides des égouts et canaux, répandent des odeurs nauséabondes et parfois sont associées à l’apparition d’épidémies, voire du choléra. L’absence d’adduction, ou la mauvaise qualité de l’eau potable, génère toutes sortes de maladies, notamment chez les jeunes enfants.

L’approvisionnement en eau, déjà difficile dans les grandes métropoles des pays industrialisés, est un problème majeur dans les villes-champignons du Tiers Monde. D’autant que, la consommation par habitant augmentant partout avec l’accès à un minimum de confort, de fréquentes coupures d’eau surviennent, qui peuvent être longues. Même raccordés à un tuyau qui débite normalement de l’eau potable, même branchés sur un réseau d’égouts en état de fonctionnement, beaucoup de citadins du Tiers Monde constatent que leurs eaux usées ne sont pas traitées et rejoignent directement la nappe phréatique ou les cours d’eau qui irriguent les villes.

L’autre déficience sanitaire concerne les déchets solides qui s’accumulent en périphérie et souvent même aux carrefours. Il est vrai que le ramassage des ordures par camions-bennes est pratiquement impossible dans nombre de quartiers populaires de type médina (Afrique du Nord) ou de type labyrinthe chinois. Sans parler des bidonvilles où n’interviennent plus les services publics.

C’est pourquoi, faute d’un ramassage et d’un traitement approprié des ordures ménagères, beaucoup de villes du Tiers Monde sont polluées par la fumée des feux d’ordures qui se consument lentement dans les terrains vagues. Le feu reste en effet bien souvent le seul moyen de se débarrasser de tous les déchets refusés par les animaux. Mais ce mode d’élimination, aussi fruste qu’économique (en apparence), entraîne également la pollution des sols et de l’eau à la moindre pluie.

On le voit, le citadin de cette fin de siècle n’échappe pas à la pollution, où qu’il se trouve. Même si l’on respire mieux à T 拏ky 拏 qu’à Bangkok, même si Paris est plus propre que Dakar, il y a toujours dans une métropole quelque pollution ou nuisance, ne serait-ce que le bruit de fond de l’activité urbaine qui, à la longue, peut provoquer des stress. Néanmoins, l’expérience prouve que plus une ville est riche, mieux elle peut faire face à ses nuisances et, si elle ne les supprime pas, les réduire. Les villes “noires” d’autrefois, comme Birmingham ou Saint-Étienne, ou celles que l’on rencontrait dans la Rhur allemande, ont été purgées de leurs poussières de charbon et complètement nettoyées. Les fleuves “noirs” d’autrefois, qui subsistent dans les villes de l’Est et dans les métropoles du Tiers Monde, devront un jour aussi être nettoyés, ne serait-ce que pour permettre l’accès à l’eau potable, ressource vitale dans toute communauté humaine.

Reste la pollution induite par les transports, qui, elle, ne s’améliore pas malgré les efforts pour réduire les polluants de combustion des carburants. Le seul moyen d’en venir à bout sera de modifier le processus à la source, c’est-à-dire de changer complètement – ou partiellement – les modes de transports urbains. Véhicules électriques, carburants propres, bicyclette, priorité aux transports en commun, tous les palliatifs devront être employés pour rendre l’air des villes respirable sans pour autant entraver la circulation des citadins. Ce sera la révolution du XXIe siècle.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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